vendredi 3 mai 2024

Conte impatients d’être vécus, Henri Gougaud

Conte impatients d’être vécus, Henri Gougaud

Fin d’été. On a gardé les pépites pour la fin, histoire de nourrir les affamés de lecture qui seraient restés sur leur faim. Parmi ces perles, l’inénarrable, le fabuleux, le poète que nous chérissons à la rédaction : Henri Gougaud !

Dans le genre, perles à lire, à savourer, à relire, ne passez pas à côté des Contes impatients d’être vécus. L’auteur (et nous aussi) les considérer comme aussi nécessaires que les arbres, les sources, les maisons, j’ajoute l’aire que l’on respire. Dans cette société en pleine mutation, si loin d’avoir réalisé sa révolution de conscience, Ces contes impatients d’être vécus résonnent comme des boucliers à la bêtise et à la superficialité ambiantes pour ne pas dire à la vulgarisation de la pensée. Ces Contes impatients sont des petites leçons d’apparence insignifiante, pourtant essentielles. Ils se lisent en si peu de temps et laissent de si belles traces. Ils apprennent à connaître l’autre et mieux encore, en s’identifiant à se connaître soi-même. Et là, réside le début de la sagesse.

Un extrait choisi pour vous donner envie de lire tous les autres

La musique du cœur du monde

Il est dit qu’à l’aube des temps, avant que le monde s’éveille, avant que l’éternel n’ait fleurit le jardin d’Eden, l’âme vivait, insouciante, libre de visiter les mers, de parcourir les univers, de goûter les saveurs naissantes partout où la vie s’animait. Elle était heureuse. Elle le fut jusqu’à ce jour d’avant les jours où sur le seuil de sa demeure le créateur pétrit Adam. Après quoi il voulut que l’âme habite désormais le corps de l’homme neuf, mais elle s’effaroucha, grimaça, recula, flaira cette prison de chair que vieux père lui désignait. Elle n’en voulut à aucun prix, elle s’enfuit au fin fond du monde.
Et voilà Dieu embarrassé. Il ne voulait pas la forcer, ce n’était pas dans ses manières. Mais par ailleurs comment abandonner Adam seul au monde, dans ses ténèbres ? Il réfléchit. Une idée vint. Elle lui fit pétiller les yeux. D’un claquement des doigts devant sa barbe blanche il fit tomber du ciel des anges musiciens. Voix haute, grave, percussion, envols de flûtes, violon, harpe emplirent aussitôt l’univers. L’âme tremblante, au bord du monde, entendit, s’étonna, s’émerveilla bientôt de ces sons inouïs qui lui donnaient l’envie de chanter avec eux, de rire, de danser, d’oublier enfin cet effroi qui l’avait longtemps engourdie. Un instant elle s’abandonna entre les bras du Créateur. Elle le sentit, dans son ivresse, ouvrir le corps obscur d’Adam. Tout doux il la poussa dedans, et le cœur du nouveau vivant enfin s’anima, s’échauffa.
Ce rythme sourd dans nos poitrines, c’est ce qui nous reste des anges et de leur musique infinie. Et quand nous vient un chant, un air qui parfois nous émeut aux larmes, ne cherchez pas pourquoi. C’est l’âme qui remue. Elle se souvient du temps lointain où elle emplissait l’univers et s’émerveillait d’être libre comme la fille aimée de Dieu.


INFOS PRATIQUES

Contes impatients d’être vécus d’Henri Gougaud chez Albin Michel. ISBN : 9782226474353 – 21,90€

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