jeudi 2 mai 2024

La rando Pari Roller de Paris ? Bien plus qu’une rando !

La rando Pari Roller de Paris ? Bien plus qu’une rando !

Hier soir, il y avait la rando Pari Roller. Comme tous les vendredis soirs depuis plus de trente ans, elle démarrait du parvis de la gare Montparnasse, d’ailleurs totalement défoncé par les travaux mais c’est pour la bonne cause nous a-t-on expliqué. En attendant que tout ce qui roule à Paris arrive pour le traditionnel départ de  21h30, l’organisation se met en place. La voiture Pari Roller toutes enceintes dehors, la bonne vingtaine de staffeurs revêtus de leur gilet jaune, l’ambulance qui fermera le convoi. Parfois, pour la sécurité, il y a la police mais pas hier et de moins en moins souvent.

Hâte de rouler !

Devant la gare, le flot de plus en plus compact des randonneurs de toutes sortes a hâte de se lancer à l’assaut des rues, ruelles, avenues et grands boulevards de la capitale. Malgré le calme absolu et l’ambiance douce, chacun trépigne d’impatience, pressé de batailler avec le macadam, les nids de poules et les pavés. Samuel Moreau, vice-président de l’association Pari Roller fondée par Boris Belohlavek, prend la parole. Avant chaque lancement, il rappelle les consignes de sécurité, donne des explications sur le parcours du jour et lance le top départ. C’est parti !

Tout ce qui roule…

Franck, l’un des staffeurs qui partage la première ligne avec le staff. Il pratique le roller depuis ses trois ans ! ©Frederique Berry

Jamais lassés, les parisiens et les touristes toujours surpris photographient cet étrange cortège mobile qui, au début, peine à trouver son tempo de la soirée. D’abord la voiture d’ouverture, une Ford électrique derrière laquelle on peut respirer, suivie par les éclaireurs, puis les staffeurs mobiles qui feront les prises de relais à toutes les intersections. Et voici la première ligne. Celle des staffeurs-meneurs. Chasuble rouge au centre. Chasubles jaunes sur les côtés. Imaginez leur rôle ! Conduire la rando et symboliser, par leur simple présence, une ligne « infranchissable », une frontière à ne pas doubler. Impératif ! Le cortège doit être derrière eux. Entre le début et la fin de la rando, plusieurs centaines de personnes suivent leurs consignes. Il s’agit d’être à la hauteur ! Puis, à leur suite, dans l’ordre d’entrée en scène, noblesse oblige… les rollers et tout le reste de la mobilité : les vélos, les trottinettes à pédale à l’ancienne, les trottinettes électriques, hier soir un skate, les gyro, les vélos cargo et parfois des fauteuils roulants !

Une belle communion d’esprit !

Cette soirée est agréable comme on aime. Un véritable soir d’été. La météo a des clémences dont nous devrions plutôt nous inquiéter. Qu’importe ! Ce sera pour une autre fois. Ce soir on roule cool ! Dans Paris, les terrasses débordent de gens, de vie, de rires. Paris, qui depuis longtemps n’est plus une fête en était une hier soir. Elle rappelait une nuit de coupe du monde gagnée. La ville était remarquable, pleine, foisonnante et les gens rayonnaient.
Moi, la rando Pari Roller, je la fais à vélo. Parfois, je me colle à Patou, que j’appelle Monsieur/Madame, dont le rôle consiste à faire barrage de son corps pour empêcher les impétueux cyclistes d’aller ficher leurs roues dans celles des rollers juste devant. Sinon, je m’installe, tranquille, à la presque fin de la rando. J’aime le point de vue que j’ai, de là, sur ces centaines de gens qui roulent de concert. Je me plais à observer dans le détail chacune de ces personnes. J’admire les manœuvres dans les mouvements d’unité quand il s’agit, par exemple, de faire tourner toute cette longue colonne d’au moins deux cents mètres sur un axe plus grand que celui que l’on quitte. À chaque fois, il se passe un truc à ce moment-là. On dirait qu’on rend leur liberté à des lions encagés. Imaginez la beauté de cette masse d’humains qui se meut dans le même élan. Tout le groupe pivote à l’unisson. Telle une horde d’animaux sauvages fuyant le danger dans la savane. Telle une nuée de papillons Monarque prêts à polliniser l’espace. Pendant ces quelques secondes, une vitalité incroyable envahit l’air et les rues. Sur les côtés, certains, les plus jeunes, les plus vigoureux, et des filles, plein de filles, toutes en puissance, développent leurs forces pour remonter le cortège. Et la beauté des corps dans l’effort se révèle. Et les muscles saillent. Et la vitesse grise. Et la liberté temporaire d’avoir tout un boulevard à soi l’emporte pour offrir un plaisir de la glisse dont il est difficile de partager l’intensité, sauf à être dedans !

Pour qui ? Comment ?

Dans le détail, le groupe est un ensemble de sous-ensembles et d’individus. On fait la rando Pari Roller seul, en famille, en bande de potes. En mode je participe. En mode, je fais ce que je peux. En mode, je vais vous montrer, sans arrogance ni morgue, ce que je sais faire avec des rollers aux pieds. Qu’ils soient en ligne ou en quad !

Hier soir, 29 septembre 2023, la rando roller en détail !

La rando Pari roller c’est aussi pour nos amis à quatre pattes. ©Frederique Berry

Hier soir, une jeune femme roulait avec des quads roses tout droits venus d’une bienveillante comédie musicale Hollywoodienne. C’était charmant. Hier soir, il y avait ce grand papa, martiniquais peut-être, avec ses deux filles. Une à droite. L’autre à gauche. Il y avait la glisse incertaine de la plus jeune et il y a eu le renfort des staffeurs venus filer un coup de main. À cinq on est plus fort qu’à trois ! C’était joli à voir ce petit cordon humain rouler sur le bitume.
Hier soir, iI y avait ce monsieur avec son vélo cargo réservé à son petit chien installé sur un cousin avec sa gamelle d’eau. J’aime le regarder donner à manger à son copain poilu à chaque arrêt en le caressant. Ce que tout le monde fait. Le chien fait le plein de câlins. Il y avait ces deux géants, enfin quand ils montent sur leurs trottinettes électriques. Tout de noir vêtus, fin comme des roseaux, ils dominent leur engin silencieux, sans dire un mot ou presque. Quand même, je les ai entendus, parlant de leur première participation, dire c’est cool l’ambiance ici !  Ha oui, hier soir, il y avait ce grand gaillard, tout en os et en articulations. Fort sur ses jambes avec des genoux capables de résister aux pires chutes. Tous les vendredis il est là, vêtu de son kilt, sa grosse boite à sons accrochée sur son dos comme une carapace. Je l’appelle Monsieur Tortue et pourtant il va vite. Il y avait ces deux jeunes saoudiens pas du tout gênés par la peau offerte à la fraîcheur de la soirée des filles présentes. Il y avait cette grosse dame, habillée en vert fluo, pas toute jeune et au top du pédalage qui n’a rien lâché dans la montée jusqu’à Ménilmontant. Il y avait ces jeunes, vous savez ces gamins issus des banlieues comme on dit. Ils sont venus faire les kakous. Pas complètement intégrés dans le groupe, pas très éloignés non plus, non juste à la frange, à la frontière, sur les bords. Mais quels bords !? Si l’on parlait voile, je dirais qu’ils en tirent des bords. Ils sont magnifiques ces gosses. Le squelette fin, les muscles en longueur, les cheveux en rasta ou pas, ils sont sublimes. Ils se déplacent avec une aisance indécente (si je pouvais faire le quart de la moitié du dixième) sur leurs rollers. Ils sont capables de partir en force sur deux ou trois longs enchaînements des jambes et fuselés comme des Appolon 11, ils jouent à remonter et à redescendre la rando non-stop. Il y avait cette jeune fille, à dix ans près, elle pourrait être ma petite-fille. Elle a roulé à vélo à ma hauteur pour me dire, j’adore votre musique ! Mon merci venait du fond du cœur. Je craignais d’être une bolosse. Oups ! Askip, ça ne se dit plus ! Ma musique est cool ! C’est déjà ça ! J’allais oublié. On ne l’avait pas vu ces deux/trois dernières fois, il y avait le BGBG. Torse nu, short moulant. Un corps à faire pâlir les statues du Parthénon, il joue de ses rollers comme Gene ou Fred le faisaient de leurs claquettes. Et puis, il y avait cette jeune femme aux cheveux hippie chic des années 1970 qui s’est pris une gamelle monumentale. Elle s’est ouvert le coude sur les pavés mais son premier réflexe en se relevant a été de s’excuser et de s’inquiéter de l’autre fille qui pourtant l’avait percutée. Rassurée, elle s’est autorisée à avoir si mal qu’elle en a pleuré. L’ambulance l’a prise en charge. Tout va bien. Elle a fini la rando avec nous. Hier soir comme tous les vendredis soirs, il y avait tous ces gens, ces vies, cette force et franchement c’était magnifique à observer et à ressentir.

Sans eux, pas de rando pari roller !

Le staff en pause à mi-parcours. C’est qu’il en faut de la jambe ! © Frédérique Berry

Fathi, Martin, le grand Antoine et Antoine… Pour le plaisir, ils staffent. Giovanni, Josef, Les Louis… Pour notre sécurité, ils staffent. Ils… Omarou, Clément et Victor et elles… Orlanne, une bombe en roller, fan de la Suède et Coralie, une flèche au vélo illuminé toujours loin devant, sont jeunes et passionnés. Parfois, ils sont moins jeunes. Pour connaître l’âge de notre vétéran staffeur, il faut savoir sa table de multiplication de 9. Tous s’impliquent, se responsabilisent, s’engagent. Si l’on peut rouler, traverser des boulevards sans être inquiéter, si l’on peut envahir des avenues, s’approprier les quais de Seine, c’est grâce à eux. Ils sont bénévoles. Ils staffent gratos ! La rando Pari Roller c’est les staffeurs ! Sans eux, pas de rando ! À leur corps défendant, ils retiennent les voitures impatientes, les taxis injurieux, les motos vrombissantes. Ils nous protègent. Ils jouent de leur courtoisie et diplomatie pour stopper la circulation le temps que l’on passe tous, jusqu’au dernier, jusqu’à l’ambulance qui ferme de cortège. Les staffeurs ont en commun le goût et la pratique de la glisse. Outre qu’ils maîtrisent, il faut ajouter qu’ils ont en eux quelque chose du Bon Samaritain, entièrement dévoués à cette idée de nous reconduire au point d’arrivée dans le même état que nous étions au départ. Un immense merci à Franck et à tous les autres, vous me pardonnerez, je ne vous connais pas tous.

Le saviez-vous ?

La rando pari Roller est narrée dans tous les guides de voyages. Elle est si célèbre que bien des touristes veulent la « faire » et s’imposent quelques kilos de bagages supplémentaires pour être équipés et venir rouler avec nous. Et se filmer pour le prouver ! Elle n’est pas belle la vie ?!

À l’heure où le monde entier se divise en groupuscules et minorités revendicatrices, je savoure mon plaisir. Le premier, celui de ceux qui nous regardent passer. Les gens assis en terrasses, sortant du métro, discutant entre amis, s’arrêtent, nous regardent, sourient ! Ils sont heureux de nous voir heureux. Ce bonheur est communicatif !
Le second, celui d’être avec ces femmes, ces hommes, des jeunes, des vieux pour partager un bon moment, pour intégrer un groupe qui roule comme il peut, chacun à son niveau, avec son moyen de prédilection, pour attaquer dans une unité partagée, les avenues, les pavés, les montées, les descentes de Paris. Pour connaître – ensemble – l’ivresse de la glisse ! Cette soirée Pari Roller du vendredi soir à Paris est la plus belle image qui soit sur le vivre ensemble. Yolo ! Judith Lossmann


INFORMATIONS PRATIQUES rando Pari Roller Paris

 

Ça roule ! ©Frédérique Berry

La rando c’est tous les vendredis soirs sauf en cas de mauvaise météo.

Rendez-vous devant la gare Montparnasse

Départ : 21h30.

Pour tout savoir : www.pari-roller.com.

RANDO HALLOWEN : vérifier la date. Elle aura lieu la semaine suivante. Il est vivement souhaité d’être déguisé ! Plus d’infos sur le site.

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