jeudi 18 avril 2024

A cheval dans le cirque de Gredos

A cheval dans le cirque de Gredos

C’est en randonnant qu’il faut aller à la rencontre de l’Espagne médiévale, dans les parfums de genêts et de lavandes, entre les murets de pierres sèches et les petits villages endormis.

Rando dans les genêts de la sierra de Gredos@maria elena dendaluce

Avant-goût des découvertes culturelles qui jalonnent le parcours et marque de la ferveur religieuse locale, la ville de Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus (1515-1582) est le point de rendez-vous des cavaliers. Ville espagnole du patrimoine mondial, Ávila se dresse aux pieds de la Sierra de Gredos, 100km au nord-ouest de Madrid. Derrière les remparts, formidable enceinte fortifiée du XIème siècle quasi intacte, se sont réfugiés églises et palais Renaissance, témoins de la splendeur révolue d’un ancien centre de production textile.
10h du matin à Navarredonda de Gredos. Deux énormes bottes de genêts annoncent le portail du centre équestre de Maria Elena Dendaluce. Derrière, le Saint-Bernard Cartucho monte affectueusement la garde tandis que tinte la clarine d’un cheval de trait hispano-breton. Ici, toutes les juments en pâture portent ce gros collier de cuir fermé par une boucle dorée, nécessaire à la localisation des troupeaux e nsemi-liberté. La dénommée Polaca y retournera quand son poulain sera sevré.

Marie Elena Dendaluce sur Cubano @gabrielle larew

Elégance oblige

 

Une allée de pins ombragée mène aux écuries. Les chevaux attendent dans leur box, impeccablement brossées, peignées –merci au shampoing et soin démêlant !- les sabots graissés, sellés à l’anglaise et bridés. Dans les petites sacoches avant, une bouteille d’eau, de quoi caser un appareil photo et un licol.

Dans la carrière, de jeunes apprenties approchent le marchepied des montures. Les neuf cavaliers dont 3 récidivistes viennent de Belgique, de France, de Californie, du Vermont ou de Chicago. Quelle élégance chez les Américaines! Bottes ou jambières de cuir et boots à lacets, chemise ajustée, vêtements techniques assortis, large visière ajustée sur la bombe, ongles peints et rouge à lèvres rafraîchi à mi-journée. Mais sans chichi.

Discrètement élégants, sans doute les guides donnent-ils le ton. En vérité, tout le monde tient à faire honneur aux splendides chevaux, andalous et hispano-arabes.

Les cavalieres dans la laguna Canada el Gallo Hoyos del Espino∏biggi hayes

Spectaculaire et sauvage

La première journée s’annonce plutôt relax et trois accompagnateurs s’assurent de l’aisance des cavaliers. Confirmée. Leur monture leur a été consciencieusement attribuée en fonction de leur expérience et de leur gabarit.
A plus de 1200 mètres d’altitude, le regard porte au loin sur les neiges de l’Almanzor. Le pic le plus haut de Gredos (1592m) a été nommé d’après un chef militaire et religieux arabe (X°), Al-Mansûr ou « Le victorieux » qui s’était extasié devant ce paysage lors de l’une de ses campagnes.
On oublie que l’Espagne est un pays de montagnes. A 1500 mètres d’altitude au Nord-Ouest de la péninsule, nous sommes dans l’une des régions les plus rustiques du pays, la plus étendue et la moins peuplée. Entre les fleuves Douro et Tage, la spectaculaire Sierra de Gredos se distingue par de fortes dénivellations et des versants aux orientations très différentes. Forcément, les paysages changent à peu de distance d’écart et la flore –endémique- est un véritable festival : orchidées sauvages mauves et blanches, camomille, genêts, lavandes, bruyères pourpre, fleurs de colza jaune éclatant, joubardes -mi cactus mi artichauts- et autres pédiculaires des bois à drôles de corolles roses. Un festival.

Paradis pour la flore la sierra de Gredos abrite une végétation endémique exceptionnelle@beatrice leproux

Machos en liberté

Escortés par Cartucho, la petite troupe traverse un herbage où broutent vaches et chevaux. Faute d’industrie en Castille et Léon, la pauvreté oblige au partage des terres. Propriété du gouvernement, elles sont divisées par province et subdivisées par commune. Autrement dit, selon le nombre de têtes de bétail, les fermiers louent à l’année quelques dizaines d’hectares à la mairie ; terres à partager avec leurs voisins, chacun prenant soin de fermer les clôtures après son passage. Il faut juste éviter de réunir les machos, étalons ou taureaux. Curieux et joueurs, des poulains tentent de distraire le petit convoi, chassés d’un geste de badine. Large chapeau vissé sur la tête et gilet de daim assorti, noter guide -la dirigeante d’Equiberia herself- Maria Elena Dendaluce garde un œil sur le taureau avachi sous un châtaignier. Moyennement rassurés par cette proximité quand nous ignorons encore tout du caractère de notre monture, nous ne la lâchons pas d’un sabot.

Dès le xveme les paysans dépierraient leurs champs pour les exploiter et bâtir mûrets et maisons @beatrice leproux

Incontournable apéro

Après deux bonnes heures de monte, impensable de déroger à la trêve du sacro-saint apéritif. Les chevaux sont pris en charge par les très consciencieuses apprenties. Surprise : sur une table dressée à l’ombre sont joliment présentés jambons et fromages ibériques, olives, fruits et rafraîchissements. A côté, de quoi se laver les mains. Grand luxe. Nous repartons pour deux heures de balade avant de déjeuner d’une paella sous la tonnelle. Inutile de préciser que les amis Américains épluchent le contenu du plat et roulent des yeux horrifiés devant le bol de consommé de boudin noir. Mais sans lésiner sur le vin blanc local. La sieste s’impose, couchés dans l’herbe. Grâce au van qui suit les cavaliers avec leur petites affaires de la journée, les bottes ont été troquées pour des tongs, les californiennes se sont repoudrées et l’unique homme de la bande soulage son dos sur un coussin massant. Trop dure la vie.

Chaque jour vers 12h30 arrêt aperitivo@biggi hayes

La plus grosse population de loups d’Europe occidentale

La nature est si vaste et le soleil de printemps donne tant que les rencontres sauvages son rares : un aigle royal, des mélans, une biche, un renard… Les chèvres hispaniques –chassées à l’automne à prix d’or- et les sangliers ne se montrent pas. Le loup non plus. Pourtant il n’a jamais disparu du nord de l’Espagne. En témoignent le nombre et la violence des aboiements des chiens qui surveillent les moutons. En attendant l’heure de la traite, celui-ci est enfermé dans un enclos entièrement grillagé jusque par-dessus leur tête.
Des ânes noirs à poil longs nous regardent passer, l’air hébété. Ici, on les élève pour le plaisir, voire pour le portage et les travaux des champs. L’élevage n’est plus rentable et les villages, quasi désertés, ne reprennent vie que l’été quand les citadins envoient leurs enfants chez leurs grands-parents. Les sabots résonnent entre les maisons de pierres. Quelques têtes curieuses se montrent tandis que, impassibles du haut de leur clocher, les cigognes regardent passer l’étrange caravane. De petits bourgs ont vu leurs maisons restaurées par des Madrilènes qui en avaient fait leur résidence d’été. Parfois trop léchés, trop propres, ces petits bijoux médiévaux ravissent le visiteur mais ont perdu un peu de leur âme.

Pozo de las Paredes xveme Navacepeda de Tormes@beatrice leproux

 

Sur les chemins de transhumance

Depuis le Moyen-Age, les terres Nord de la Sierra de Gredos sont dédiées à l’élevage des moutons puis de bovins. Entièrement noires, rustiques, fécondes et très prisées pour leur viande, les vaches Avilenas sont en plus d’excellentes marcheuses, qualité indispensable à la transhumance et à la recherche de leur subsistance. Car, même en perte de vitesse, la tradition perdure depuis le XIVème siècle. Les cavaliers foulent ces larges voies ancestrales mais ce n’est qu’au début de l’été que les éleveurs regroupent leurs bêtes et les mènent à cheval à 1600 mètres d’altitude, secondés par des 4×4 pour traverser les routes et se relayant pour dormir. Elles finiront seules leur ascension au cours de l’été au gré de leur gourmandise jusqu’à 2000 mètres.

Dans la canada Real, chemin de transhumance@beatrice leproux

Déjeuner de chef sous la tonnelle

Après plusieurs heures de monte, la surprise est de taille : aménagé en bordure d’une mer de genêts, un velum a été tendu au-dessus d’une table magnifiquement dressée. A côté officient Roberto Garcia Jimenez et deux assistants. Ce disciple des plus grands maîtres coqs espagnols aménage des plats typiques de la région de Gredos en mariant avec inventivité des produits de saison d’ici et d’ailleurs. La cuisine sophistiquée de ses deux restaurants à Hoyos del Espino ravit les gourmets madrilènes. Pour l’heure, interloqués par tant de raffinement et de succulence, les cavaliers se délectent en silence.
C’est une gageure que réunir toutes ces qualités : beaux et bons chevaux, paysages sublimes, perles d’architecture médiévale, intendance sans faille, véritable gastronomie et d’Avila à Ségovie, un hébergement de luxe.
Pendant cinq jours et cent-cinquante kilomètres, l’ouverture et la fermeture de barrières rythment journées et galops. Les cavaliers chevauchent entre genêts et lavandes sauvages, galopent sur un doux tapis d’épines de pins ou au bord d’un lac, ballotent du buste dans les descentes abruptes et pierreuses, pataugent dans les cours d’eau, gravissent des vallons fleuris en slalomant entre les blocs de granit et se rafraîchissent aux rivières glacées ou aux fontaines des villages… Le soir, halte dans les Paradores nationaux, fleuron de l’hôtellerie espagnole.

Au menu de Roberto Garcia Jimenez@beatrice leproux


Informations pratiques : 

Y aller :
Partir avec Cheval d’Aventure et Equiberia : Randonnée Sierra de Gredos et Ségovie, départ de Navarredonda de Gredos à 2h à l’ouest de Madrid. 2 400€ hors vol, pension complète, transferts intérieurs inclus. Nombreux départ tout au long de l’année pour différentes régions d’Espagne (ex: Sierra de Gredos seulement à partir de 1 850€). www.cheval-daventure.com –  www.equiberia.com

Après la douche les chevaux filent au pré à Navarredonda de Gredos@biggi hayes

Bonnes adresses
Hôtels Parador http://www.parador.es/fr
Restaurant de Roberto García Jiménez à Hoyos del Espino : http://cafeteriadrakar.es/

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