vendredi 13 septembre 2024

Jazz à Juan 2024, universel, chaud et multicolore !

Jazz à Juan 2024, universel, chaud et multicolore !

Tous les ans à la même époque, mes papilles auditives sont en alerte ! Et pour cause, la saison des festivals de Jazz bat son plein. Celui d’Antibes Juan-les-Pins n’échappant pas à la règle, nous fêtons la 63e édition de ce festival de légende qui a vu passer sur la scène de la Pinède les plus prestigieux musiciens de la planète. Cette année encore, du 8 au 18 juillet une belle place a été faite à un Jazz éclectique multi-générationnel, où ont brillé une myriade de talents… Avec le temps mes goûts ont évolué, et tout comme je l’aurai fait dans un restaurant étoilé, après avoir dévoré des yeux le menu de ce Jazz à Juan, j’ai vite compris que faire un choix allait être difficile. Défi relevé !  Je vous révèle mon menu musical personnel

Manu Katché

Manu katché,  le plaisir avant tout !

Les premières notes n’étant pas dépourvues de saveur et de peps, puisque c’est à Manu Katché qui fut il y a quelques années le parrain de ce festival sous la Pinède, que revient le privilège d’ouvrir le festival. Casquette vissée sur la tête, le plus « exciting » des batteurs français est venu accompagné de ses musiciens studio. Ils ont livré un show pétillant et jubilatoire pour notre plus grand plaisir. Le batteur des stars entouré de Jérôme Regard à la basse, Patrick Manouguian à la guitare et Elvin Galland derrière les claviers nous ont régalés, et cerise sur le gâteau, un solo de batterie époustouflant du patron a fait se lever la salle sous les étoiles. La nuit est tombée, les cigales cymbalisent et rivalisent avec Manu Katché jusqu’à la fin du set.

Toto : phénoménal et pas une ride

Un plaisir ne venant jamais seul, place au groupe de légende Toto ! Au cours de la dernière décennie, Toto a connu une renaissance majeure de sa popularité. Aucune statistique ne l’illustre mieux que le nombre total d’écoutes, toutes plateformes confondues, proche des cinq milliards. Et malgré le temps qui passe, les années semblent glisser comme les doigts de Steve Lukather sur le manche de sa guitare. Lunettes rondes et chapeau à la Blues Brothers, le chanteur Joseph Williams a également assuré le spectacle avec « Africa », « Georgy Porgy » , ainsi qu’une reprise des Beatles «With a Little Help From my Friends ». Ils ont fait chavirer un Jazz à Juan qui ne demandait qu’à se laisser embarquer jusqu’au bout de la nuit !

La potion magique du jazz africain

J’ai ensuite concentré toute mon attention sur Tiken Jah Fakoly, qui foule la scène de la Pinède Gould pour la troisième soirée. Il nous embarque en voyage sur le continent africain en compagnie de ses musiciens et ses deux fabuleuses choristes. Piano, xylophone, batterie et guitare offrent une diversité musicale hors pair. Une belle fête estivale et en arrière-plan le public, spectateur du coucher de soleil sur le massif de l’Estérel. Une pinède en fête bercée aux ondes positives du chanteur reggae. Une invitation à la danse pour une grande fête populaire.

La star de Dakar…

Deux heures plus tard, Youssou N’Dour se présente à nous. Ovation de public ! Un beau moment vécu ensemble. Le natif de Dakar cultive une belle complicité avec la foule, il déroule sa « setlist » et nous emporte peu à peu au plus profond de son art. Jusqu’au moment où retentit son hit « 7 Seconds » qu’il a chanté en 1994 avec Neneh Cherry. La magie opère toujours même trente ans après…

Les frères Belmondo

Jazz & pop époustouflant !

Le Belmondo Dead Jazz nous fera vivre une soirée éclectique avec un superbe hommage au Grateful Dead par le sextet des frères Belmondo. Un démarrage en fanfare pour  le projet Belmondo Deadjazz qui entame son concert et s’empare sans complexe des morceaux du groupe mythique pour les réinterpréter, les réinventer. Une réussite totale pour Lionel Belmondo au saxophone et son frère Stéphane Belmondo à la trompette, avec, entourés des pointures Éric Legnini au Fender Rhodes, Thomas Bramerie à la contrebasse, Laurent Fickelson à l’orgue et au piano et Dré Pallemaerts à la batterie. Ça démarre fort avec « China Cat Sun Flower ». Les claviers vintages de Legnini et Fickelson font merveille pour distiller subtilement la ligne mélodique du morceau. Puis la trompette de Stéphane Belmondo réinvente la mélancolie et le blues dans le magnifique « Stella Blue », où l’on perçoit presque la voix de Jerry Garcia au travers des notes toutes douces de la contrebasse de Thomas Bramerie, du saxophone inspiré de Lionel Belmondo et du tempo magique du batteur.
La nuit tombe doucement, le trompettiste ému appelle sur scène Brad Mehldau pour un dernier morceau dédié à Grateful Dead, que le pianiste écoutait religieusement trente-cinq ans plus tôt… Impossible de se rappeler de cette époque sans avoir des étoiles plein les yeux.

Chris Potter… Le jazz dans les étoiles

Après l’entracte, Chris Potter a choisi des musiciens d’exception pour présenter son dernier album Eagle’s Point. Johnathan Blake à la batterie, John Patittucci à la contrebasse et Brad Mehldau au piano : un groupe qui va enthousiasmer le public pendant plus d’une heure. On est ébloui par le talent de chacun des interprètes mais peut-être encore plus par l’humilité de chacun d’entre eux tellement à l’écoute des autres. Impossible de louper la patte du contrebassiste, il débute deux des morceaux, avec une tonicité et une vivacité étonnantes. Comment ne pas s’étonner du toucher délicat des baguettes de Johnathan Blake aux cymbales curieusement assemblées, baguettes capables de s’envoler et se démultiplier avec éclat lors d’un solo remarquable. Quant aux mains de Brad Meldhau, elles racontent chacune une histoire pour mieux enchanter ses solos. Chris Potter au ténor, tout en retenue, accompagne, dirige, subtilise parfois la parole à ses amis virtuoses pour des solos chaleureux, quelques chorus inspirés. Un set aux sources du jazz, aux accents coltraniens mais aussi moderne et inspiré.

Truffaz… et votre serviteur

Truffaz… fait son cinéma !

Le 15 juillet, on se referait bien une toile… Après Rollin’, Erik Truffaz sort le Clap ! Deuxième volet de ses histoires de cinéma. Il réitère ce prodige de substituer ses propres images à celles suscitées par les bandes originales pour réécrire le script de nos vies, Truffaz rassemble une troupe d’acteurs nés dont le tellurique Marcello Giuliani co-producteur de l’album.
La contrebasse crépite, les pistons s’agitent, on dirait les dialogues d’un « buddy movie » au pays des frissons. Et puis, il y a la guitare western de Matthis Pascaud, la batterie dégingandée de Raphaël Chassin, les claviers en peau de léopard analogique d’Alexis Anérile… Cette jeune garde s’ébat en toute liberté, dans des espaces de jeu qui ont l’air illimités. Si Erik Truffaz réalisait des films, il le ferait sans doute comme un Cassavetes ou un Pialat, pour offrir à tous les rôles la surface d’improvisation la plus vaste et la plus intérieure. Dans ces musiques de cinéma, dans ce détournement de nos scènes et de nos sons, Truffaz révèle cet état de rêverie juste avant le sommeil et accouche des contes.
Truffaz revisite le thème du film  « Le Casse »,  permet au guitariste quelques envolées très rock que l’on retrouve dans leur magnifique version du «Requiem Pour un Con» avec ses claviers très free. Duo piano-voix pour débuter le « Camille » extrait du « Mépris » de Godard. Les autres reviennent pour enchaîner sur « The Persuaders », le générique impérissable de « Amicalement vôtre ». Emporté par un esprit Rock ou Jazz, Truffaz fait merveille. Quel dommage de les quitter si vite !

Joshua Redman au sax…

Joshua Redman, l’élégance à l’état pur

Depuis les trois dernières décennies, le saxophoniste, compositeur et leader Joshua Redman a démontré ses dons. Dans « Where are we » son premier enregistrement en tant qu’artiste Blue Note, il délivre, son album le plus exigeant et le plus captivant à ce jour, et, première pour lui, il construit avec la jeune chanteuse Gabrielle Cavassa une dynamique vocaliste. « Quand j’ai entendu Gabrielle, j’ai réalisé sa qualité expressive, son intimité et une vulnérabilité dans les sons qu’elle produisait qui étaient singulièrement captivants ». À ses côtés le batteur Brian Blade (leur relation date du début de leurs carrières respectives), le pianiste Aaron Parks (déjà partenaire du quartet collectif James Farm) et le bassiste Joe Sanders sont choisis avec soin pour répondre à un album de ballades. À ces musiciens triés sur le volet, pour donner encore plus de perspectives à cet album ciselé,  Redman invite quatre autres amis à contribuer aux portraits de leurs villes natales , les guitaristes Kurt Rosenwinkel (“Streets of Philadelphia”) et Peter Bernstein (“Manhattan”), le vibraphoniste Joel Ross (“Chicago Blues”) et le trompettiste Nicholas Payton (“Do You Know What It Means to Miss New Orleans?”).
« Where are we » offre aux auditeurs de choisir où ils se placent et d’où ils veulent écouter.

Le maître de la basse… MM !

En clôture apparaît MM… Marcus Miller ! 45 ans de carrière, 2 Grammy Awards, le Prix Edison pour l’ensemble de son œuvre, une Victoire du Jazz, nommé Artiste pour la Paix par l’UNESCO en 2013 et porte-parole du projet La Route de l’Esclave… Pour citer quelques-unes de ses distinctions. Marcus est un créateur, un producteur, un multi instrumentiste, un compositeur hors normes et prolifique, sans oublier ses collaborations avec les plus grands, Miles Davis, Eric Clapton, George Benson, Aretha Franklin, Brian Ferry, Wayne Shorter, Al Jarreau, Herbie Hancock et Carlos Santana… Excusez du peu !

Après ce festin musical, refermons les portes de cet exaltant Jazz à Juan 2024. Pour les plus impatients, destination « Le Nice Jazz Fest » du 20 au 23 août. Et vivement les nouvelles agapes Jazzy de Jazz à Juan 2025. Jean-Loup Guest

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