Une authentique ferme-jardin du Perche
Franchement, tel un Sisyphe contemporain, il vous faudra chercher longtemps et soulever beaucoup de rochers pour découvrir une ferme jardin comme celle-ci. Ici, les scènes végétales se succèdent, mêlent les plantes avec une démocratie affichée et fabriquent des paysages de lande, de colline, d’eaux. Du lever au coucher du soleil, deux hectares de jardin s’adonnent à la vie. Un voyage !
Remplacer le goudron par le tout-venant
Monsieur François, bon pied, bon œil, a quitté Boulogne-Billancourt puis le Val-d’Oise pour venir renaître dans le Perche de ses origines. Un Perche qu’il narre avec délices à toutes oreilles à sa portée. En 1995, quand il recherche de la terre, il a une idée précise en tête. Il souhaite une ferme vallonnée, de bonne taille, avec de solides bâtisses à restaurer, des champs et des prairies, de possibles points d’eau pour désaltérer les animaux, des bois – dont plus personne ne veut – pour favoriser la diversité. À son arrivée, tout un symbole, il remplace le goudron par du tout-venant, « ça n’a pas bougé depuis trente ans, sans rien faire de plus et ça absorbe les pluies ! » dit-il en haussant délicatement les épaules pour souligner l’évidence.
Une ferme-jardin modèle du Perche
Le Jardin François, du nom de son passionné propriétaire, propose aux visiteurs de passage comme aux habitants du cru, de visiter et de s’inspirer d’une ferme telle qu’elle fonctionnait au 19e siècle dans les belles terres enclavées, les bienheureuses, au cœur du verdoyant Parc régional du Perche. Un parfum d’avant qui fleure bon les étables et les praires… Et aussi l’intelligence des savoirs, moins productiviste que la nôtre, tout en étant idéale pour les animaux, le goût des aliments et … les climats !
Place à la contemplation du vivant
Hier comme aujourd’hui, il travaille sans plans aux rénovations des maisons et des lieux. Monsieur François est un contemplatif. De nombreux détails le révèlent, comme celui de cette chaise bleue dont l’emplacement, judicieusement choisi à l’abri de l’arbre avec vue sur les nénuphars, prête à rêver, à peindre ou à écrire. Contemplatif encore quand il fait pousser, en imaginant le futur à quinze ou vingt ans de là ou encore quand il élague, juste ce qu’il faut, pour laisser poindre la beauté d’un toit ou d’une verrière entre les branches, là-bas, au loin.
Dans d’autres prairies paissent ses Black Angus. De belles bêtes à la parfaite robe noire, si bien adaptées aux terres d’ici, qu’elles vivent à l’année dans des champs préservés. Préservés ? Oui, dans le Perche on a réussi à conserver une partie des bocages[1], des centaines de kilomètres de haies bourrées de biodiversité, et l’on a évité d’arracher les arbres, abris des bêtes qui se protègent là du froid, de la pluie, du soleil. C’est simple, non ?
Dans ses espaces, l’homme a planté beaucoup et avec sûreté. Ses bosquets agissent comme des points de réflexions végétaux et soulignent les angles des bâtis ou l’entrée vers une escapade végétale à traverser pour un voyage ailleurs dans le temps et l’espace.
Une réalisation de toute beauté dans le Perche
Cinquante ans plus tard, son grand œuvre accompli, on visite la ferme jardin François, bottes en caoutchouc aux pieds, dans le petit matin frisquet et mouillé du Perche. Des parfums, plus jamais sentis, affleurent aux narines : étable, odeur des moutons, des ânes qui accourent quand on les appelle.
Les bâtisses généreuses, en pierres jaunes du pays, reflètent le soleil naissant et illuminent l’espace de couleurs chaudes. Deux salles magistrales nous réservent de belles pépites : une galerie de peinture, des outils de la ferme et surtout une sublime collection de couvertures illustrées du magazine Rustica. Il faut la voir absolument. Je serai volontiers repartie en l’emportant… mais ça ne se fait pas !
Une leçon personnifiée
Ce Robinson Crusoé percheron, amoureux de perfection végétale, est un peintre visionnaire dont l’inspiration est le vivant ; les pinceaux les futaies ; la toile les reliefs naturels. L’intangible bonheur qui émane de ce tableau conduit l’esprit et l’âme entre mares, troupeaux, érables et charmes centenaires. C’est une poésie écrite à l’attention de celles et ceux prêts à renouer avec une gestion agricole qualitative et une quête de sens.
Monsieur François ne se contente pas de faire visiter sa ferme, il partage ses points de vue au centimètre quitte à vous demander de déplacer votre regard pour mieux profiter de la scène.
On a toujours raison d’être fou, dit-il ! Ce « fou » l’a fait et ça marche ! Judith Lossmann
[1] Et, quand c’est possible, on reconstruit les manquants année après année.
INFORMATIONS PRATIQUES
Visite tous les jours, mais je vous conseille de téléphoner pour profiter des commentaires du propriétaire.
Tarif : 6 euros par personne. Enfant : 4 euros.
Possibilité de louer maison ou chambres d’hôtes sur la ferme.
Renseignements, réservations, infos complémentaires : https://ferme-et-jardin-francois.com/