vendredi 29 mars 2024

Fès, pour l’amour de l’art

Fès, pour l’amour de l’art

Millénaire, intellectuelle, spirituelle, la capitale culturelle du Maghreb renferme des trésors d’histoire et d’architecture valorisés par d’importantes rénovations. Maints artisans y vivent et y travaillent encore.

Avec 75 kilomètres de ruelles, c’est l’une des plus grandes médinas du monde arabe ©Stephane Isard

Fondée à la fin du VIIIème siècle par Moulay Idriss Ier et inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1981, la cité fassie a longtemps rayonné dans tout le royaume grâce au savoir-faire de ses artisans : travail du cuir, du bois, du tissage, du cuivre et arts décoratifs que l’on admire dans les ateliers, les riads et les palais disséminés dans la plus grande medina du Maghreb. Là, ce sont quatorze mille maisons calées dans un enchevêtrement de rampes et de ruelles colorées d’innombrables échoppes et cafés. Imbriquées les unes dans les autres, les bâtisses sont même parfois soutenues entre elles par une structure savante d’étais de bois.

La medina restaurée sur 20% de sa surface

Fes est aussi la capitale de la babouche traditionnelle, en cuir de chèvre et motifs brodés en fils de soie ©Stephane Isard

En se promenant notamment dans les ruelles les plus fréquentées, un parfum de bois de cèdre flotte dans l’air : il provient des portes et des auvents traditionnels des commerces nouvellement posés ou restaurés. Les voies planes ou en pentes ont été remises à niveau, d’autres couvertes de mamounis –assemblage de panneaux de croisillons de bois- pour se protéger du soleil. Un grand plan de rénovation initié en 2013 par le roi Mohammed a permis la restauration de vingt-sept monuments historiques, quatre mille demeures, cinq medersas, de remparts, de ponts, de tanneries et du souk des teinturiers.

Un savoir faire millénaire

Les zelliges d’une fontaine du Palais Mnebhi ©Stephane Isard

Fès est autant renommée pour ses tanneries (XIIIe et XIVème siècles) que pour sa céramique émaillée, ses stucs et son façonnage du bois. Confectionnés un à un à la main, les mosaïques de morceaux de carreaux de faïence colorés couvrent le sol des patios et les murs entiers des mosquées et aussi les fontaines. On compte 3500 de ces anciens points de repos et d’approvisionnement pour les habitants et les visiteurs, dont soixante-dix, monumentaux, constituent de véritables joyaux de l’art décoratif. Obtenu à base d’oxyde de cobalt, le fameux « bleu de Fès » s’y reconnait entre tous comme sur la vaisselle et jusqu’aux zelliges de Bab Boujloud, l’une des entrées principales de la médina.

Les foundouk, joyaux de l’architecture arabo-islamique

Lieux de résidence pour les commerçants et leurs montures –dans ce cas situés à proximité des portes historiques- ou bien fondouks de commerçants, -avec chambres, boutiques et ateliers d’artisanat au coeur de la medina-, ces caravanserails avaient été bâtis en particulier le long des anciennes routes de la soie. La centaine dénombrée dans la medina témoigne de la prospérité économique de Fès notamment au XIIIème et XIVème siècle quand elle supplanta Marrakech comme capitale du royaume. Parmi les foundouks restaurés, celui de Nejjarine (XVIIème siècle) situé dans le quartier des menuisiers à l’arrière plan d’une somptueuse fontaine publique (XVIII°), abrite désormais un Musée du Bois.

Ces caravanserails avaient été bâtis en particulier le long des anciennes routes de la soie ©Stephane Isard

Les medersas : bois de cèdre, marbre, stuc et zelliges

Ecoles au rôle culturel, éducatif et politique, les medersas accueillaient autrefois d'illustres savants ©Stephane Isard

Dans le quartier des épiciers, la medersa Attarine (XIVème) servait d’hébergement aux étudiants de l’université El-Karaouiyine située juste en face –la plus vieille du monde encore en activité- dont les enseignements résonnaient jusqu’en Espagne. Bijou de l’architecture arabo-musulmane, c’est probablement le monument le plus richement décoré.
La création de ces medersas – écoles au rôle culturel, éducatif et politique- remonte aux XIIIe et XIVe siècles. Elle s’est développée jusqu’au XVIIe siècle en tant que lieu d’accueil privilégié pour les gens en quête du savoir. Chacune dispensait un enseignement précis au profit de ses étudiants grâce à de brillants penseurs, théologiens et philosophes. Cinq sur six d’entre elles ont été restaurées, comme ici la merdersa Bou Inania.

La tradition au service de la créativité

Une lanterne du créateur Hazzaz sur fond de paroi de stuc à l’hôtel Sahrai ©Stéphane Isard

Les artisans aux ateliers récemment déplacés hors de la vieille ville s’inspirent des méthodes traditionnelles pour inventer de nouveaux motifs, de nouveaux objets, de nouvelles formes. Voire de nouveaux usages. L’hôtel Sahrai, situé sur une colline de la ville nouvelle avec vue sur la medina en offre un bel exemple.
Outre les panneaux de stuc sculptés et les tapis fassi –réversibles et reconnaissables à leurs motifs géométriques- plus de deux cents magnifiques lanternes se reflètent dans les plafonds tendus et les baies vitrées de ce bâtiment de pierre et de verre. En cuivre et verre sablé – et non plexiglas car elles sont soudées à l’ancienne- ces lampes sont l’œuvre de Abdellatif Hazzaz, modeste favori de l’hôtellerie de luxe marocaine ou britannique où il exporte ses créations. Son atelier sombre et empli de musique tient de la caverne d’Ali Baba et du hangar poussiéreux. Ce lieu hors du temps recèle non seulement des trésors de dinanderie mais aussi, parmi les outils quasi centenaires dont on s’étonne qu’elles fonctionnent encore.

 

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